Hanssens And Co

ETUDE DES PARAMETRES CARDIO-RESPIRATOIRES AU SEIN D'UNE POPULATION DE DANSEURS DE SALON

HANSSENS C.; VANFRAECHEM J.

Unité de recherche en physiologie cardio-respiratoire

Institut Supérieur d'Education Physique et de Kinésithérapie

UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES

1. INTRODUCTION

Alors que les autres formes de danse, comme le ballet, le jazz ou l'aérobic, ont été fréquemment étudiées du point de vue médical, peu de renseignements existent concernant la danse de salon. Cette forme de danse, mélangeant les positions statiques avec des moments d'activités intenses, est cependant d'un intérêt tout particulier.
Pour toute personne impliquée, la connaissance de la physiologie de ce sport sera alors d'un intérêt certain. C'est pour ces raisons que nous avons décidé d'entreprendre une étude sur les danseurs de salon.

2. BUTS

Notre premier objectif a été de mesurer le niveau de condition physique des danseurs de salon, du point de vue cardiaque et respiratoire. Notre second objectif a été de déterminer le niveau d'effort demandé par la danse de salon. Cela permettra de déterminer l'effet de la danse sur le système cardio-respiratoire ainsi que d'éventuelles indications ou contre-indications à la pratique de la danse de salon.

3. POPULATION

Nous avons choisi douze couples de danseurs de salon, âgés de vingt à trente ans. Six couples étaient compétiteurs officiels de l'Union Belge des Amateurs de Danse (organisme officiel, membre du C. O. I. B.) et pratiquaient la danse depuis trois ans environ. Les six autres couples pratiquaient la danse en amateur depuis un an environ.

4. MATERIELS ET METHODES

L'étude s'est déroulée en deux parties: en laboratoire et sur piste de danse.

En laboratoire:

Chaque individu a réalisé une épreuve d'effort maximale avec mesure des paramètres cardio-respiratoires aux différents niveaux d'effort. Le sujet a été installé sur un cyclo-ergomètre et a été relié aux différents appareils de mesure. Au signal, il commence à pédaler. La résistance augmente graduellement de trente Watt toutes les minutes suivant un programme préétabli. L'expérience est terminée lorsque le sujet ne peut plus maintenir le rythme imposé ou qu'il a atteint ses valeurs maximales. La mesure des paramètres respiratoires se fait par la méthode du circuit ouvert. Le sujet inspire, par un masque bivalve, l'air ambiant et expire dans un système analysant l'air expiré. Les mesures se font toutes les trente secondes. Nous connaissons ainsi la ventilation, la consommation d'oxygène et de CO2 de l'individu à chaque niveau d'effort. La mesure des paramètres cardiaques se fait par la méthode d'impédance de Kubicek. Des électrodes de mesure sont placées sur le sujet. Les variations de courant produites par le cycle cardiaque sont analysées et enregistrées toutes les deux minutes et à l'effort maximal. Nous connaissons ainsi la fréquence cardiaque, le volume de sang éjecté par systole ainsi que le débit cardiaque. Toutes ces données sont ensuite traitées par ordinateur.

Sur piste de danse:

Chaque individu est équipé d'un petit enregistreur de la fréquence cardiaque. Chaque couple effectue chacune des dix danses sur le rythme imposé lors des compétitions, durant deux minutes avec une minute de repos entre chaque danse. Les données enregistrées sont ensuite transférées vers une imprimante spéciale et analysées.
Enfin, les valeurs obtenues en laboratoire et sur piste de danse sont traitées par des méthodes statistiques.

5. RESULTATS

Les données morphologiques des sujets sont montrées dans le tableau 1. Toutes les valeurs observées se situent dans les limites des valeurs normales. De plus, nous pouvons observer qu'il n'existe pas de différences morphologiques entre nos sujets compétiteurs et amateurs. Enfin, nous constatons que tous nos sujets se situent sous leur poids idéal.

Tableau 1

Les valeurs observées à l'effort maximal sont indiquées dans le tableau 2. A nouveau, ces valeurs se situent dans les limites normales. Ces valeurs ne montrent pas de différences statistiques entre les amateurs et les compétiteurs. La valeur de la consommation maximale d'oxygène (VO2max) indique le niveau de condition physique de l'individu. Nos valeurs indiquent plutôt un niveau correspondant à des personnes pratiquant une activité de type non-endurante.

Tableau 2

Pour comparaison, le graphique 3 montre le niveau de VO2max de différents athlètes. Nos sujets atteignent des valeurs légèrement inférieures à celles de danseurs de ballet et de jazz professionnels.

Graphique 3

Le graphique 4 montre l'évolution de la fréquence cardiaque du repos à l'effort maximal. Il n'apparait pas de différence entre les compétiteurs et amateurs masculins; par contre, il existe une différence entre les amateurs et compétiteurs féminins.

Graphique 4

Le graphique 5 montre l'évolution du volume d'éjection systolique (quantité de sang éjectée du ventricule gauche par battement). Il apparait une différence hautement significative entre les amateurs et les compétiteurs.

Graphique 5

De même, pour le débit cardiaque, comme le montre le graphique 6.

Graphique 6

Cependant, l'évolution de ces paramètres est celle d'athlètes ne pratiquant pas une activité d'endurance. Il semble donc que la danse entraîne peu le système cardiaque et respiratoire.

Le tableau 7 montre les fréquence cardiaque enregistrée durant la danse. Les fréquences que nous avons enregistrés correspondent à celles obtenues par le Freye (1989) lors de compétitions(en tenant compte d'une augmentation de 10 battements due à l'anxiété). De même, des valeurs semblables ont été retrouvées dans la littérature. Ces fréquences sont très élevées et même proche de la fréquence cardiaque maximale théorique (calculée par la formule: 220-âge). On constate une forte différence entre les amateurs et les compétiteurs.

Graphique 5

6. DISCUSSION

Il semblerait que la danse de salon entraîne des réactions physiologiques semblables à celles produites par les autres types de danse.
Le caractère esthétique important ne permet pas à l'individu de respirer normalement: il y a hypoventilation (diminution de la respiration normale)lors de la pratique de la danse de salon. Le même effet est entraîné par des positions statiques (position de danse ou lignes). Cela explique le fait que le danseur de salon utilise et donc entraîne peu son système respiratoire. Il en résulte donc une charge anaérobie importante. La compensation de cette hypoventilation se fait donc par le coeur, qui va augmenter sa fréquence lors de la danse. De plus, le travail des bras au-dessus de la tête entraîne également une augmentation de la fréquence cardiaque.

Ces faits expliquent que le danseur de salon est peu entraîné du point de vue cardio-respiratoire et donc peu adapté à l'effort intense.
Par calcul et comparaison avec d'autres études, nous avons tenté d'estimer le niveau d'effort de la danse de salon (tableau 8). Il s'agit d'un effort modéré (avec des demandes plus importantes pour certaines danses lors des compétitions) demandant cependant une charge anaérobie importante due à une hypoventilation entraînant une fréquence cardiaque élevée.

Tableau 8

7. CONCLUSION

La danse de salon entraîne donc des réactions semblables aux autres type de danse. Il s'agit d'un effort modéré avec une demande en oxygène (VO2) faible. Cependant, une hypoventilation entraîne une fréquence cardiaque élevée et une charge anaérobie importante.
La condition physique des danseurs de salon est donc peu entraînée. Il existe une différence entre le niveau de condition physique des danseurs et la demande physiologique de la danse. Un entraînement cardio-respiratoire est donc conseillé.

Un entrainement cardio-respiratoire de base en endurance est donc conseillé aux danseurs de salon. De plus, ils devront s'entraîner à dissocier leur respiration et à la maintenir lors de la pratique de la danse.
Comme la danse entraîne une fréquence cardiaque élevée et une charge anaérobie importante, la prudence est recommandée avec les personnes ayant des problèmes cardiaques ou les enfants. De même, un avis médical sur les capacités anaérobies peut être conseillé.

8. REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier toutes les personnes qui m'ont aidé lors de ce travail et tout particulièrement M. Van Fraechem pour son aide et ses conseils.

9. BIBLIOGRAPHIE

Astrand P. O., Rodhal K.; Manuel de physiologie de l'exercice musculaire; Ed. Masson et Cie; 1973
Cohen J. L., Segal K. R.; Cardiorespiratory responce to ballet exercice and the VO2max of elite ballet dancers; Med. sci. sports exerc.; 1982; 14(3); 212-7
Durnin; Energy, work and leisure; London; Heineman ed. book Ltd; 1967
Freye; Wedstrijd dansen en hartfrequentie; Belgian dance info; 1989; 16(3); mai/juin 89; 11-2
Gandee R., Hollering B.; Energy cost of recreational dancing; Medecine and sci. in sport; 10(1); spring 78; 54
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